La mise en route mondiale du combat contre le réchauffement climatique commence en Afrique. La première réunion de la Convention cadre des Nations unies (CCNUCC) après la signature et la ratification du premier pacte mondial de lutte contre le réchauffement climatique (l’Accord de Paris), se tient en Afrique, à Marrakech au Maroc du 7 au 18 novembre 2016 (COP22). Un symbole fort pour initier un changement planétaire nécessaire pour combattre le dérèglement climatique.
Après des années de tentatives et d’échecs, depuis la création de la Convention (CCNUCC) au Sommet de la Terre à Rio en 1992, le monde dispose enfin d’un accord (Accord de Paris) pour engager la lutte contre le réchauffement climatique. Un accord adopté à Paris à la COP21 par pratiquement tous les pays, et ratifié dans un temps record le 4 novembre 2016 par 97 pays, représentant 69% des émissions de gaz à effet de serre (GES) – alors que les Nations unies exigeaient pour son entrée en vigueur, au minimum, la ratification de 55 pays, couvrant au moins 55% des GES. Fort de cet accord, dont l’objectif principal est de limiter les émissions mondiales de GES pour contenir le réchauffement de la planète en dessous de 2°C, la COP22 doit maintenant préparer la mise en application de l’accord, qui doit être opérationnel dés 2020.
La lutte mondiale
Pendant que le monde s’organise, Robert Watson, l’ancien président du Groupe d’experts inter-gouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC), l’organe de référence scientifique de la Convention, met en garde la communauté internationale. « Le réchauffement se produit en ce moment et beaucoup plus vite que prévu ». D’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM), pour la première fois la concentration dans l’atmosphère du principal gaz à effet de serre, le CO2 (dioxyde de carbone), a dépassé durant toute l’année 2015 le seuil symbolique de 400 ppm (parties par million). Ce gaz est particulièrement nocif, car il reste pendant des milliers d’années dans l’atmosphère. Autres exemples : le niveau des eaux monte graduellement autour de la Terre et cela risque de s’accélérer dans les prochaines décennies avec la fonte des glaces. Des sécheresses sévères ont affecté des superficies presque deux fois plus importantes en 2015 que l’année précédente (14% contre 8% en 2014)…
De multiples indicateurs sont déjà au rouge et les scientifiques multiplient leurs alertes. Il faut agir vite et efficacement, nous disent-ils, pour arriver à infléchir la courbe du réchauffement climatique et rester en dessous de 2°C d’augmentation à la fin du siècle. Mais même si nous arrivons à cet objectif, qui nous permettrait d’éviter les scénarios les plus sombres, nous allons devoir faire face à de nombreux problèmes qui affecteront particulièrement le continent africain, l’Asie et les Etats insulaires (l’une des régions les plus vulnérables du monde).
L’Afrique est très exposée
D’après l’indice de vulnérabilité au changement climatique de 2015 que réalise le cabinet britannique d’analyse des risques Verisk Maplecroft, 7 des 10 pays les plus menacés sont en Afrique (Éthiopie, Érythrée, Soudan du Sud, Tchad, Centrafrique, Nigeria, Sierra Leone). Mais bien que l’ensemble des 54 pays d’Afrique ne contribue qu’à hauteur de 3% aux émissions mondiales de GES, le continent est très vulnérable aux effets des changements climatiques, dont les impacts sont déjà notables.
Un rapport du GIEC de 2001 signalait déjà que 82% de la glace présente sur le Kilimandjaro en 1912 avait disparu. Le lac Tchad, qui se partage entre le Cameroun, le Niger et le Nigeria couvre aujourd’hui moins de 10% de la surface qu’il occupait dans les années 1960. Il serait passé de 22 902 km2 en 1963 à 304 Km2 en 2001.
Les terres agricoles sont lourdement touchées par la sécheresse, avec l’augmentation de la démographie et la réduction des terres agricoles les crises alimentaires vont se développer. Richard Munang et Jesica Andrews du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) écrivent en 2014 dans la revue Afrique Renouveau de l’ONU : « A l’heure actuelle, quelque 240 millions d’Africains souffrent déjà de la faim. D’ici 2050, il suffira d’une augmentation de 1,2 à 1,9°C environ pour accroître entre 25 et 95% le nombre d’Africains sous-alimentés (+25% en Afrique centrale, +50% en Afrique de l’Est, +85% en Afrique australe et 95% en Afrique de l’Ouest) ».
D’un autre côté, les ressources hydriques s’amenuisent en quantités disponibles d’année en année. D’après la Banque Mondiale, la disponibilité des eaux « bleues et vertes » respectivement issues des précipitations et des rivières pourrait diminuer de plus de 10% d’ici à 2020 dans toute l’Afrique.
Les défis sont énormes et la pression climatique oblige le continent à développer des stratégies d’adaptation dans tous les domaines. De nombreux programmes africains et internationaux sont déjà en cours et en projet avec le soutien des bailleurs de fonds, mais ils sont encore insuffisants pour faire face au présent et à l’avenir.
A Marrakeh dans le cadre de la COP22, une trentaine de chefs d’Etat africains se retrouveront pour un sommet le 16 novembre pour faire entendre la voix de l’Afrique, le continent le plus menacé par le réchauffement climatique.
Le Maroc et l’Afrique
Comme l’explique la diplomatie marocaine, cette COP22 « se déroule sur le continent africain, elle doit prendre en considération les soucis de l’Afrique, qui elle-même doit se coordonner et parler d’une seule voix pour défendre ses positions » ajoutant :« la tenue d’un sommet africain pendant la COP22 est une nouvelle illustration de l’engagement très fort du Maroc en Afrique voulu par le roi Mohammed VI ».
Engagement constamment réaffirmé par le royaume qui mène, depuis plusieurs années, une diplomatie offensive et dynamique sur le continent, pour ce faire entendre sur la question du Sahara occidental, contrôlé par Rabat depuis 1975, mais dont l’indépendance est revendiquée par le Front Polisario soutenu par Alger. Cette politique vise aussi la réintégration rapide du Maroc au sein de l’Union africaine (UA), organisation que le Maroc avait quittée en 1984 pour protester contre l’admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) du Front Polisario. Au-delà de ces questions politiques, le Maroc souhaite développer ses projets en Afrique et notamment dans le secteur des énergies renouvelables où le royaume a développé de très importants programmes.
Les enjeux de la Cop22
A l’heure où s’ouvre la COP22, d’après Carole Mathieu, chercheuse au Centre énergie de l’Institut français des relations internationales (citée par Le Monde du 6 novembre 2016) « pour le moment, on n’observe pas de remise en question des promesses de 2015, pas de rétropédalage majeur. L’étape suivante est d’accélérer ces efforts ». Les pays développés doivent faire de gros efforts d’atténuation et soutenir les pays en développement dans leurs efforts principalement d’adaptation. Pour Laurence Tubiana, l’ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique pour la France, « le gros sujet de la COP22 sera de préciser les règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris et de se mettre d’accord sur la date de finalisation de ses règles communes ».
Dans cette perspective, les pays devront rendre leurs propositions d’engagements volontaires plus ambitieux, car pour l’instant le compte n’y est pas. Si on fait la somme des engagements existants, on se dirige vers 3° ou plus de réchauffement climatique. Il faudra également fixer des règles de transparence entre les Etats pour rendre visibles les efforts réalisés par chacun.
Pour l’Afrique et les pays en développement, l’un des gros enjeux consistera à rétablir la balance des actions climatiques, qui ont trop souvent favorisé des questions d’atténuation (réduction des émissions) vers les questions d’adaptation (mises en œuvre pour faire face aux impacts du réchauffement) vitale pour les pays du Sud, et d’obtenir ensuite la mise en place des financements correspondants.
Une Initiative dite « Triple A » pour Adaptation, Agriculture, Afrique, rassemblera 27 pays africains pour travailler spécifiquement pour les pays en développement sur les questions d’adaptation et d’agriculture, en proposant de nouvelles pratiques de gestion des sols, de maîtrise de l’eau, d’agroforesterie et d’aide aux petits exploitants.
D’après Le Monde du 6 novembre, « l’OCDE, qui s’est engagée à comptabiliser les financements climats, publics, privés, bilatéraux et multilatéraux des pays du Nord vers les pays du Sud, a pour mission de proposer « une feuille de route » afin de répondre à la promesse des nations industrialisées qui s’étaient engagées en 2009 à Copenhague, à mobiliser au moins 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour soutenir les pays du Sud. Sa première proposition a été bien reçue et évolue d’après le groupe d’experts « New Climate Economy » vers une réorientation de la finance qui se chiffre en milliers de milliards de dollars ».
Une COP africaine donc importante pour organiser l’action face à l’urgence du monde qui aura valeur de premier test après l’Accord de Paris.
par : Arnaud Jouve
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